Quelles sont les origines du tatouage temporaire au henné ?
Si le tatouage traditionnel remonte à la nuit des temps, quels sont les premiers peuples à avoir utilisé le henné comme parure corporelle ? Comment la technique du tatouage au henné s'est diffusée à travers le monde ? Pourquoi les anciens se tatouaient la peau avec du henné ? Quelles sont les couleurs des différents types de tatouages, des tatouages au henné ? On vous dit tout !
Une documentation réduite
Il est très difficile de retrouver les traces de l'origine du henné, car c'est une substance qui est utilisée depuis des siècles, bien avant l'apparition de l'écriture. Les principales sources viennent des écrits qui ont résisté au temps et des momies, car leur embaumement particulier a permis de maintenir intact des lambeaux de peaux parfois tatoués au henné.
Des poèmes syriens
Un recueil de poèmes basé sur le thème de la mythologie, écrit entre le XVe et le XIVe siècle av. J-C raconte, entre autres, que la déesse de la guerre et de la fertilité dénommée Anat, se recouvrait le visage et les mains de henné avant de combattre, pour faire peur à ses ennemis. Elle voulait ainsi leur montrer qu'elle était prête à tout pour gagner et qu'elle n'avait pas peur d'avoir leur sang sur les mains et le visage. Le récit de ses nombreuses victoires a rapidement dépassé les frontières de la Syrie et Anat est devenue une déesse vénérée dans l'ensemble du Moyen-Orient et dans certains pays du Maghreb.
Des momies tatouées
Les premières preuves physiques de l'utilisation de la pâte de henné pour créer des tatouages temporaires ont été recueillies sur des momies égyptiennes datées entre le XIVe et le XIIIe siècle av. J-C. Sur la momie du pharaon Ramsès II, les chercheurs ont trouvé des tatouages effectués à base de henné sur ses pieds et ses mains, qui devaient garantir sa résurrection dans le royaume des morts.
Une tradition assyrienne
De nombreux écrits provenant d'Assyrie (une ancienne région au nord de la Mésopotamie) sont miraculeusement arrivés jusqu'à nous. Le livre qui nous intéresse a été rédigé au VIIe siècle av. J-C par un Assyrien, qui y relatait le déroulement de sa vie quotidienne. Dans le chapitre où il raconte le mariage de sa fille, il décrit une scène durant laquelle une femme plus âgée vient décorer les paumes des mains et les ongles de sa fille avec du colorant fabriqué à partir des feuilles de henné. Par contre, il n'explique pas à quoi correspond cette coutume. Cette pratique semble être à l'origine de la cérémonie du mehndi qui est encore très présente dans les pays du Nord de l'Afrique (Tunisie, Maroc, etc.) et au Moyen-Orient, lors de laquelle les femmes les plus sages du clan dessinent des symboles au henné sur les mains et les pieds des jeunes filles à marier.
Les botanistes grecs
Au Ier siècle ap. J-C, des botanistes grecs décrivent, dans leur encyclopédie médicinale, le lawsonia inermis, une plante qui pousserait à l'état naturel dans le delta du Nil et en Judée. Après avoir longuement parlé des bienfaits des feuilles de cet arbuste sur la santé, ils notifient que la feuille de henné broyée et mélangée avec un liquide de type jus de coing, vinaigre, ou jus de citron peut également servir pour les teintures capillaires et la coloration de la peau.
Les tatouages moghols
C'est au XIIe siècle ap. J-C que les armées mogholes musulmanes de Gengis Khan sont parties des steppes d'Asie centrale vers l'Inde pour étendre le territoire de celui qui s'était auto-proclamé maître du monde. Les combattants amenèrent avec eux leurs traditions et leurs coutumes comme celle du tatouage éphémère au henné qui était très répandu en Asie centrale depuis des centaines d'années. C'est à partir de cette date que les tatouages éphémères faits à partir de henné commencèrent à se développer en Inde et en Asie du Sud-est.
La signification des tatouages au henné
D'après la documentation qui existe sur le sujet, il semble que les tatouages éphémères faits à partir du henné n'avaient pas tous la même signification pour nos ancêtres.
Un symbole de bravoure
Comme dit précédemment, la déesse Anat utilisait la technique du tatouage éphémère pour effrayer ses ennemis. De nombreuses peuplades, principalement d'Océanie et de Nouvelle-Zélande employaient aussi ce stratagème, mais en utilisant d'autres ingrédients que le henné, comme le charbon de bois ou l'ocre rouge. En rendant leurs visages terrifiants, ils espéraient que leurs ennemis renonceraient au combat, ce qui n'a malheureusement pas toujours été le cas.
Un symbole religieux
La première utilisation du henné pour marquer la peau dans un but religieux date de l'Égypte ancienne, lorsque les corps étaient encore momifiés. Comme cela a été le cas pour Ramsès II, les pieds et les mains des morts étaient recouverts de henné avant l'emmaillotage avec les bandelettes. D'après la traduction des hiéroglyphes, ces tatouages devaient symboliser le sang de Seth, le dieu de la confusion et du désordre, car quiconque avait vaincu Seth pouvait ressusciter dans l'au-delà.
Un symbole de fête
Dans plusieurs régions du globe, notamment en Afrique et en Asie, il est d'usage de décorer les mains et les pieds des jeunes femmes la veille de leur mariage. Pour ce grand moment, toutes les femmes de la famille sont réunies. Pendant que la mariée s'apprête, la mère de celle-ci prépare le colorant à partir de poudre de henné. Ces dessins sont censés protéger et donner de la chance aux jeunes mariés. La légende raconte qu'après le mariage, la mariée ne peut effectuer aucune tâche dans la maison, le temps que les symboles temporaires au henné aient disparu.
Pourquoi certains de nos ancêtres privilégiaient les tatouages éphémères au henné ?
Si les origines du tatouage au henné sont plus ou moins incertaines, les origines du tatouage permanent sont beaucoup plus documentées. Il est donc légitime de se poser la question : pourquoi certains de nos ancêtres ont-ils opté pour les tatouages provisoires au henné alors qu'ils connaissaient la pratique des tatouages permanents ? Voici quelques éléments de réponses avancés par les ethnologues :
- Dans plusieurs contrées, la religion de l'époque avait des codes très stricts et le fait d'être tatoué n'était pas très bien vu par les dirigeants du culte. Nos ancêtres ont eu alors l'idée de se tatouer de manière éphémère, en évitant ainsi de déclencher la colère de leurs dieux.
- Chez certains peuples, il existait des rites de passage : du nourrisson à l'enfant, de l'enfant au jeune garçon, du jeune garçon à l'homme, etc. Même si les témoignages de l'époque manquent, les chercheurs pensent que les tatouages définitifs n'étaient pas faits sur les enfants très jeunes : les premiers tatouages étaient alors effectués au henné et dès que l'enfant avait grandi, il pouvait prétendre à un tatouage permanent. - Les écrits antiques qui ont été retrouvés font presque toujours mention d'une sorte de personnage phare dans la tribu qui était le seul à maîtriser la technique du tatouage permanent. On peut alors imaginer que certains peuples, qui ne comptaient pas dans leurs rangs de tatoueurs assez expérimentés dans le domaine du tatouage définitif, se soient tournés vers le tatouage éphémère au henné, plus simple à réaliser.
- Le tatouage permanent, réalisé dans les conditions d'hygiène de l'époque, pouvait mettre en danger de mort la personne tatouée. Le tatouage au henné quant à lui pouvait "seulement" engendrer des réactions cutanées de type eczéma chez le tatoué, même si la pâte de l'époque ne contenait pas encore de PPD (paraphénylènediamine, aussi appelé phénylènediamine), un produit très allergisant que l'on retrouve parfois dans les préparations de henné actuelles. Mais ces allergies étaient plus faciles à soigner avec la trousse médicale de l'époque, composée uniquement de plantes, qu'une infection au niveau des cicatrices. Aujourd'hui, l'utilisation d'un henné naturel permet de limiter les réactions de type eczéma. Par contre, il vaut mieux éviter la substance appelée "henné noir" très allergisante si utilisée pour des tatouages temporaires.
- Les légendes ancestrales africaines, qui se transmettent de génération en génération, racontent que dans certaines tribus, les femmes refusaient tout mariage arrangé et choisissaient seules leur mari. Pour séduire un homme, la femme embellissait son propre corps de tatouages. Lorsque l'homme était séduit et que la date du mariage était fixée, la jeune femme devait alors exhiber d'autres tatouages symbolisant cette fois la fertilité, l'amour inconditionnel et son désir d'enfant. Dans ce cas, les tatouages de séduction ne pouvaient pas être permanents et les femmes avaient alors recours au tatouage éphémère au henné.
Voilà, vous êtes à présent incollable sur les origines du tatouage provisoire au henné ! Mais les archéologues continuent à fouiller aux 4 coins du monde à la recherche de momies et de sépultures toujours plus anciennes : peut-être que l'une d'entre elle prouvera que les origines du tatouage au henné sont encore plus anciennes, qui sait ! Ce qui est certain est que le plus populaire des tatouages éphémères, la décalcomanie, a une histoire bien plus récente !
De nos jours, les tatouages à partir de henné font encore fureur, mais il est de notre devoir de vous avertir : faites bien attention au type de pâte que le tatoueur veut vous mettre sur la peau et demandez à en voir la composition avant de commencer. Si vous voulez un résultat encore plus réaliste, les tatouages au jagua ont une couleur plus proche des vrais tattoos (le côté brun d'un tatouage au henné n'est pas très populaires chez les tatoueurs qui utilisent plus le noir).